A quoi servent les COP ? Une brève histoire de la négociation climatique, selon Christian de Perthuis

Christian de Perthuis, professeur d’économie et fondateur de la chaire Économie du climat à l’Université Paris-Dauphine – PSL, revient dans une analyse publiée par InfoChrétiennes.com sur l’histoire et le rôle des Conférences des Parties (COP) dans la lutte contre le changement climatique.
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De Rio en 1992 à la COP30 de Belém en 2025, il retrace plus de trente ans de diplomatie climatique internationale.

Les COP : un cadre indispensable, malgré leurs limites

Chaque année, explique l’économiste, les COP rassemblent pendant deux semaines des milliers de délégués venus du monde entier pour négocier des accords sur le climat. Ces conférences ont donné naissance à des textes majeurs comme le protocole de Kyoto (1997) et l’accord de Paris (2015).
Malgré des avancées insuffisantes face à l’urgence climatique, de Perthuis pose une question essentielle : où en serions-nous sans les COP ?

Aux origines : du GIEC à la Convention climat

Selon lui, tout commence en 1988 avec la création du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Son premier rapport, publié en 1990, alerte l’œil a sur un réchauffement possible de 4 à 5 °C d’ici 2100 sans action internationale.
Ce rapport inspire la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée au Sommet de la Terre de Rio en 1992. Ce texte fondateur fixe trois piliers :

un objectif de stabilisation des gaz à effet de serre ;le principe de « responsabilité commune mais différenciée » entre pays riches et pauvres ;une gouvernance multilatérale avec la tenue annuelle d’une Conférence des Parties (COP).

Ratifiée en 1994, la Convention entre en vigueur la même année. La première COP se tient à Berlin en 1995, présidée par Angela Merkel, alors ministre de l’Environnement.

De Kyoto à Copenhague : les espoirs et les désillusions

Deux ans après Berlin, la COP3 de Kyoto (1997) adopte le premier protocole international contraignant : les pays développés s’engagent à réduire de 5 % leurs émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2012.
Mais, rappelle Christian de Perthuis, l’entrée en vigueur du protocole est retardée par le refus des États-Unis de le ratifier en 2001 sous la présidence de George W. Bush. Il faut attendre la ratification de la Russie en 2004 pour que le texte devienne effectif en 2005.
Privé de la participation américaine et des pays émergents, Kyoto ne couvre alors qu’un tiers des émissions mondiales. Les tentatives d’élargir son champ échouent à Copenhague en 2009, où s’affrontent les visions des pays industrialisés et des émergents. Ces derniers proposent un nouveau cadre : un accord universel reposant sur des engagements volontaires et un soutien financier des pays du Nord vers le Sud.

L’accord de Paris : un tournant diplomatique

Ce nouveau schéma aboutit à l’adoption de l’accord de Paris lors de la COP21 en 2015, que Christian de Perthuis qualifie de « grand succès diplomatique ».
L’accord précise l’objectif de limiter le réchauffement « bien en dessous de 2 °C » et « si possible à 1,5 °C », introduit les contributions déterminées au niveau national (NDC) révisables tous les cinq ans, et confirme l’engagement de 100 milliards de dollars par an de financements climatiques pour les pays en développement.
Entré en vigueur en 2016, l’accord a toutefois été fragilisé par le retrait des États-Unis sous Donald Trump, avant leur réintégration sous Joe Biden en 2021.

De Glasgow à Dubaï : un progrès encore insuffisant

À la COP26 de Glasgow (2021), la quasi-totalité des pays ont déposé leurs NDC, ouvrant le premier cycle quinquennal de mise en œuvre de l’accord. L’Union européenne, par exemple, a relevé sa cible de réduction à -55 % d’ici 2030.
Cependant, le premier bilan global réalisé à la COP28 de Dubaï (2023) montre que les engagements actuels ne permettraient qu’une baisse d’environ 10 % des émissions mondiales d’ici 2030 — bien trop faible pour respecter les objectifs du GIEC.
Pour Christian de Perthuis, l’une des clés réside dans un renforcement massif de la coopération Nord-Sud, notamment par le financement climatique.

Vers Belém : un nouvel espoir ?

Lors de la COP29 de Bakou (2024), les pays reconnaissent que la promesse des 100 milliards de dollars n’a été atteinte qu’en 2022. Après de longues négociations, un compromis est trouvé : tripler ce financement à 300 milliards de dollars par an à partir de 2025.
La COP30 de Belém devra donc ouvrir un nouveau cycle avec la révision des contributions nationales et la mise en œuvre de ce nouvel objectif financier.

Et après ?

Christian de Perthuis souligne enfin que la COP30 se tiendra dans un contexte géopolitique incertain, marqué par la possible réélection de Donald Trump et son hostilité aux politiques climatiques.
Face à cela, la Chine entend renforcer sa position de leader industriel de la transition énergétique, en alignant ses exportations et ses partenariats sur les besoins du « Sud global ».
Selon l’économiste, c’est dans cet équilibre instable entre coopération et rivalités que se jouera l’avenir du régime climatique mondial.

Pour Christian de Perthuis, malgré leurs lenteurs, les COP ont permis de construire, pas à pas, un cadre commun d’action et de dialogue sur le climat.
Les résultats restent loin des exigences scientifiques, mais sans ces conférences, « nous serions sans doute dans un monde bien plus fragmenté et démuni face à la crise climatique ».