Toujours ancré dans une région, voire une ville, ce programme explore la manière dont les chrétiens vivent – ou ne vivent pas – l’unité au niveau local. L’œcuménisme, est-il possible, et heureux ? Comment les relations catholique-orthodoxe, catholique-protestant sont vécues ?
Dans une interview parue le 18 janvier dernier dans le journal La Croix, Ivan Carluer, pasteur de la grande église évangélique de Créteil, MLK, bien connu des lecteurs d’Info Chrétienne, interroge le dispositif même de la Semaine de prière pour l’unité des Chrétiens. Selon lui, nous vivons une forme de « numérisation de la foi » qui amène les dénominations à s’effacer.
« Je ne crois pas que les institutions ont la clé pour réussir l’unité des chrétiens […] Nous vivons aujourd’hui ce que j’appelle la mondialisation, ou la numérisation, de la foi […] les dénominations s’effacent. »
Ses propos interpellent. Assurément, dans la galaxie protestante, surtout chez les évangéliques, le pouvoir d’un joug tutélaire, d’une hiérarchie d’Église est très limité. Si un « paroissien » le désire, il est libre d’aller voir ailleurs si la Parole y est plus verte. Dans ce type d’Églises, impossible donc de décréter d’autorité une unité œcuménique institutionnelle puisque l’institution n’est pas au cœur de la vie spirituelle.
Dans ce cadre-là, l’œcuménisme se vit, généralement comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, mais il ne s’impose pas. Et YouTube, market place géante de l’évangélisme, où seule la langue fait barrière, permet au protestant évangélique de tinderiser son Église et son réseau spirituel en fonction de ses affinités de croyant : trop petit, trop bruyant, trop grand, pas assez ceci… Je veux ou je ne
veux pas ?
Cependant, même si le protestantisme évangélique progresse, le monde chrétien est plus vaste que lui. Si l’on se frotte à d’autres traditions chrétiennes, comme le catholicisme, encore majoritaire mondialement, l’orthodoxie (environ 260 millions de chrétiens selon le Pew Research Center), ou d’autres traditions, certes chacune minoritaires, mais nombreuses (Maronites, Chaldéen, Melkites…), on se rend compte que la parole et l’engagement du cardinal, de l’évêque, de l’higoumène (moi aussi j’ai dû chercher ce mot) ou du prêtre, ont un poids sur les affinités électives des paroissiens.
Ces trois dernières années, à l’occasion de cette fameuse Matinée œcuménique, j’ai fréquenté des paroisses catholiques à Tours, orthodoxes à Marseille, et copte à Deuil-la-Barre (95). Outre la richesse de la vie locale et des cultures, j’ai été impressionné par deux choses. Tout d’abord par l’obéissance dévouée et éclairée des hôtes et par l’ouverture des prêtres locaux.
Dans chacune de ces traditions, pour accueillir les autres chrétiens, il a fallu que les régionaux de l’étape renoncent à leur célébration et fasse place à d’autres. Ainsi, ce dimanche 21 janvier, par exemple, c’est le pasteur Pascal Machefer, de l’Église libre de Deuil-la-Barre, qui assurera la prédication à l’Église copte orthodoxe !
Alors, évidemment, ne soyons pas dupes, renoncer à célébrer son rite pour laisser la place à l’autre, ce n’est pas de l’unité, c’est de l’accueil. Mais combien d’entre nous sommes prêts à diminuer pour qu’Il croisse ? Combien de pasteur accepterait-il qu’un prêtre copte encense « son » temple et y apporte une icône devant lesquelles l’on s’agenouillerait ?
L’article de La Croix s’achève ainsi : « ‘Que je diminue.’ […] c’est la seule façon pour obtenir l’unité des chrétiens. Amen ». N’est-ce pas aussi votre voeux « que cette nation connaisse le nom de Jésus Christ. « ?
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