Imaginez un traducteur désemparé devant un ouvrage qu’il trouve injustement encensé, des « lecteurs » noter et relayer un article en s’arrêtant au titre jusqu’à empêcher d’authentiques échanges. Dans le domaine religieux, imaginez un appel à approuver un sermon avant même de l’avoir entendu. C’est pourtant ce qui se pratique dans le milieu de l’édition chrétienne, selon Beaty qui précise avoir elle-même cautionné des ouvrages en grimaçant.
Dans un article d’opinion publié par Christianity Today le 6 mars dernier, la directrice d’édition chez Brazos Press, une filiale de Baker Publishing Group, assure examiner de nombreuses propositions d’ouvrages chaque semaine et que les auteurs y ajoutent « toujours une liste de soutiens confirmés ou potentiels » en plus d’éléments tels que des échantillons de ce qu’ils projettent de faire publier, leur biographie ou encore des statistiques quant à la fréquentation de leurs sites, ce qui donne une idée de leur potentiel sur le marché.
Or, souligne Beaty, ces recommandations sont « un détail étrange, car la plupart des livres de non-fiction ne sont pas encore écrits au moment où l’auteur signe un contrat avec un éditeur ». Est-il moral d’endosser un ouvrage qui n’existe pas afin d’aider à sa promotion ? C’est, en tout cas, la pratique des maisons d’édition, chrétiennes ou non : « Il s’agit de savoir qui l’on connaît », et le contenu importe moins.
Plus encore, Beaty affirme que « des éditeurs confessionnels rédigent une recommandation à la place d’une célébrité qui n’a pas le temps de l’écrire elle-même. »
Elle explique que, dans ce cas, un membre de l’équipe d’édition, désirant voir le nom d’une célébrité sur un titre à paraître, contactera cette personne ou son équipe et lui dira :
« Nous savons que vous êtes très occupés parce que vous êtes très importants et clairement appelés à faire de grandes choses pour Dieu, donc vous n’aurez probablement pas le temps de lire ce livre. Mais nous serions très honorés d’avoir votre soutien. Pourriez-vous dire quelque chose comme ceci ? [remplir l’approbation]. »
Une approche gagnante, car la célébrité ou son assistant signe ensuite le texte ou le modifie avant la publication. Le raisonnement plus ou moins sous-jacent est que la caution apportée par la célébrité attirera la confiance de ceux qui l’apprécient et les incitera à acheter les yeux fermés. « Ce principe prend une dimension spirituelle dans l’édition chrétienne, où les personnes qui appuient un livre peuvent apporter une caution théologique à l’œuvre de quelqu’un », alerte Beaty.
Quand des célébrités retirent leur caution
La directrice d’édition renvoie à la récente polémique concernant la publication d’un extrait par The Gospel Coalition du livre « Beautiful Union : How God’s Vision for Sex Points Us to the Good, Unlocks the True, and (Sort of) Explains Everything », dans lequel l’auteur, Joshua Ryan Butler, comparait l’union du Christ et de l’Église dans la théologie chrétienne à la pénétration sexuelle.
Alors que les critiques pleuvaient, des célébrités qui avaient recommandé le livre ont paniqué. Dennae Pierre, responsable d’organisations évangéliques, et Rich Villodas, un pasteur, se sont publiquement rétractés. La première a déclaré avoir rédigé son avis « sur la base de la formation dispensée par Josh à des pasteurs locaux » et n’avoir que rapidement survolé le livre ; le second qu’un ami commun l’avait invité à soutenir le livre dont il n’a lu que 25 % à 30 %.
De quoi interroger quant à leur fiabilité morale. Selon Beaty, les mentions peuvent également aider ceux qui les signent, car « les approbations signifient que l’approbateur est quelqu’un d’important, après tout ; les gens ordinaires n’approuvent pas les livres. » Et plus l’ouvrage est vendu, plus la caution est valorisée.
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