Lituanie : rebelle de l’Église russe, une nouvelle communauté orthodoxe se réunit dans une vieille prison

Exclus par l'Eglise orthodoxe russe pour leur opposition à la guerre en Ukraine, cinq prêtres intégrés par la suite par le Patriarcat de Constantinople réunissent désormais leur nouvelle communauté, entre autres lieux, dans une ancienne prison de la capitale lituanienne, Vilnius.
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« Nous ne pouvions plus rester silencieux » à propos de l’invasion russe de l’Ukraine, a déclaré à l’AFP dimanche le prêtre Gintaras Sungaila.

En juin dernier, il a été accusé, avec quatre autres prêtres, de désobéissance canonique et de conspiration par l’Eglise orhodoxe russe.

Le Patriarcat de Moscou maintient toujours son influence dans la communauté orthodoxe d’environ 100.000 fidèles en Lituanie, pays majoritairement catholique de 2,7 millions d’habitants.

Pour atténuer les critiques, il a permis cependant de ne pas mentionner le nom du patriarche Kirill lors de certaines de ses messes en lituanien ou en ukrainien.

En février, les cinq prêtres rebelles ont été intégrés par le patriarcat œcuménique de Constantinople, qui a déclaré qu’ils avaient été punis « non pas en raison de critères ecclésiastiques, mais en raison de leur « résistance (…) à la guerre en Ukraine ».

Depuis début mars, les prêtres célèbrent les messes devant leur nouvelle communauté qui se réunit, entre autres, dans une église située dans l’enceinte d’une ancienne prison à Vilnius.

Construit au début du XXe siècle et fermé depuis, le bâtiment est désormais ouvert aux visites, concerts et autres évènements.

Dimanche, plusieurs dizaines de personnes assistaient à la messe célébrée en vieux slavon.

Les responsables de cette nouvelle communauté émergente affirment qu’une centaine de personnes viennent régulièrement aux messes.

Certains d’entre eux ont passé toute l’année sans aller à l’église, car il n’y avait pas d’alternative pour l’orthodoxie selon la règle du Patriarcat de Moscou.

« C’était difficile, mais c’était un moment béni, car nous avons senti que la vérité était de notre côté », a déclaré à l’AFP Karina Cherniak, une retraitée russe arrivée en Lituanie il y a six ans.

Elle a exprimé son mécontentement à l’égard du chef de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Kirill, qui est un fervent partisan de l’invasion de l’Ukraine par Moscou.

« L’Église ne peut pas bénir la guerre, a déclaré Mme Cherniak, Comment pouvez-vous prier Dieu si vous bénissez des gens qui tuent d’autres gens? »

« Il y a trop de mensonges. Il y a une limite que les dirigeants de l’Église ont franchie lorsque la guerre a commencé », a souligné son mari Andreï.

Problèmes d’argent

Le patriarche Bartholomée 1er de Constantinople s’est rendu en Lituanie en mars.

Après avoir rencontré le Premier ministre, il a déclaré qu’il travaillerait avec les autorités lituaniennes pour établir une nouvelle branche orthodoxe dans ce pays majoritairement catholique.

Selon le prêtre Sungaila, la création de la communauté est une question « de mois », et le statut officiel permettra d’obtenir de l’argent du gouvernement, qui distribue chaque année des fonds aux communautés religieuses traditionnelles.

Le manque d’argent a donné lieu à des pratiques inhabituelles.

Pour obtenir l’aide des sympathisants, un compte a été ouvert sur une plateforme de financement participatif utilisée par les créateurs de contenu sur l’internet.

Jusqu’à présent, la communauté émergente n’a pas été en mesure d’acheter tout l’équipement liturgique nécessaire ou de payer correctement tous les prêtres, a déclaré le père Gintaras Sungailda.

« Et nous avons encore des sanctuaires à construire », a-t-il souligné.

« Nous avons le devoir d’atteindre tout le monde, de nous occuper de tous ceux qui ne veulent pas prier dans les églises du Patriarcat de Moscou », a-t-il ajouté.

Les prêtres ont fait le voeu d’organiser des offices réguliers dans d’autres villes de Lituanie. Actuellement, ils célèbrent des messes chaque semaine à Klaïpeda (ouest), et à partir de la semaine prochaine, ils commenceront à le faire à Kaunas (centre).

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock/ Timofeev Vladimir