Roland Jacques, missionnaire au Vietnam auprès des pauvres et des minorités

En ce dimanche 22 octobre, 97e journée missionnaire mondiale, nous vous proposons le témoignage du père Roland Jacques, oblat de Marie Immaculée. Missionnaire depuis treize ans au Vietnam, il épaule la jeune communauté oblate, et contribue à faire grandir l’Église locale par attraction.
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Le 25 janvier dernier, François publiait un message dans lequel il proposait une méditation autour du récit des disciples d’Emmaüs. Le Saint-Père invitait les missionnaires à partir eux aussi avec des cœurs brûlants, les yeux ouverts, les pieds en marche pour annoncer l’Évangile du Christ. En ce 22 octobre, journée missionnaire mondiale, nous vous proposons le témoignage du père Roland Jacques, oblat de Marie Immaculée. Après une carrière de professeur à l’université Saint-Paul à Ottawa, au Canada, il est parti «le cœur brulant» et «les yeux ouverts» au Vietnam en 2010 pour épauler la jeune communauté oblate, présente depuis 2001. Il revient sur les multiples activités de sa congrégation.

Père Roland Jacques, comment est-on missionnaire dans un pays com comme le Vietnam?

Nous ne sommes partis que quelques-uns au Vietnam et, à part moi, les autres étaient des Vietnamiens formés en France, des réfugiés. De ceux-ci, aujourd’hui, un seul est encore avec moi. Notre mission, au début, était de réunir, de rassembler et de former des missionnaires oblats recrutés sur place. Nous n’avons pas essayé de renflouer les communautés vieillissantes de France. Nous avons décidé d’emblée de proposer la spécialité missionnaire des Oblats à l’Église du Vietnam et nous avons recruté des jeunes volontaires pour s’agréger à nous afin de servir au Vietnam. A cela, il existe quelques exceptions: nous avons actuellement, et depuis peu, quelques missionnaires vietnamiens à l’étranger, mais Ils sont encore très peu nombreux.

Les relations du Vietnam avec l’Église dans son ensemble ont souvent été assez complexes au cours de ces dernières décennies. L’activité missionnaire s’en ressent-elle?

Les religions en général, et l’Église catholique en particulier, sont censées travailler dans le cadre des institutions civiles et politiques du Vietnam. Nous ne pouvons pas travailler en dehors des diocèses. Nous sommes liés intimement à la pastorale du diocèse. Cela ne nous gêne pas du tout, car c’est ainsi que les Oblats conçoivent leur travail. Ceci dit, les missionnaires étrangers ne sont pas toujours les bienvenus. Il y a bien sur une évolution, mais encore lente. Lorsque j’ai commencé, on m’a d’ailleurs conseillé pour mes documents de séjour de ne rien mentionner de mon état de religieux. Dans la mesure où j’étais professeur d’université, ça n’a pas posé de problème. Pour les jeunes que nous avons recrutés, qui sont maintenant des prêtres, et qui ont aujourd’hui entre 30 et 60 ans, la question se pose autrement. Nous avons commencé par les mettre à la disposition des diocèses qui demandaient notre présence. Nous les avons formés dans nos maisons de formation, par des prêtres ayant l’esprit missionnaire. Ils ont été envoyés dans les régions parmi les plus difficiles du pays. C’est un peu notre fierté. Grâce à cela, nous sommes maintenant présents dans sept ou huit diocèses, envoyés par l’évêque, dans les régions les plus démunies. Nous avons récemment reçu du diocèse de Kontum, la responsabilité d’une région où il y a des chrétiens, mais où il n’y a pas de structure, pas d’église et pas de résidence. Il n’y avait même pas de terrain disponible. Donc, notre mission était de nous débrouiller pour essayer de fonder une église sur place, dans un coin reculé du diocèse; une zone frontalière (non loin du Cambodge et du Laos, ndr) habitée par des minorités ethniques.

Nous nous sommes spécialisés pour la pastorale dans les régions montagneuse, auprès des minorités ethniques, mais pas seulement. Les régions de montagne ont été peuplées avec le « surplus » des camps de plaines rizicoles et où la population était beaucoup trop dense, suite à la mécanisation de la culture du riz. Les autorités ont relocalisé ces populations « excédentaires » sur des terres pauvres, dans les régions montagneuses où ils côtoient les minorités ethniques.
Le premier diocèse qui nous a invités, c’est celui de Hung Hoa dans le dans le quart nord-ouest du pays. Là, nous avons rencontré trois générations de personnes relocalisées, parmi lesquelles beaucoup de chrétiens. Mais ils étaient sans prêtre et sans église. La première génération avait gardé ses traditions. La deuxième génération connaissait encore les prières et les rites pour les défunts. Quant à la troisième génération, elle se savait chrétienne sans savoir ce que cela voulait dire. Nous nous sommes retrouvés dans une situation qui correspondant exactement à l’appel du fondateur des Oblats, saint Eugène de Mazenod, qui fut ensuite évêque de Marseille et qui avait fondé son groupe de prêtres missionnaires pour les campagnes déchristianisées, abandonnées pendant la Révolution française. Nous sommes donc allés au contact de populations vietnamiennes profondément déchristianisées.

Nous travaillons pour réanimer la foi dans ces populations plus jeunes, pauvres, qui travaillent dur pour que la terre produise. Nous travaillons auprès aussi des minorités ethniques, après avoir obtenu les autorisations officielles nécessaires. Donc nous, missionnaires venus de France, nous avons formé des jeunes qui sont partis à leur tour comme missionnaires dans les diocèses demandeurs.

Comment réévangéliser des populations déchristianisées?

Si nous restons sur l’exemple du diocèse de Hung Hoa, il y a des petits groupes de chrétiens. Nous les visitons, nous travaillons avec des jeunes, nous réunissons des jeunes et cela fait toujours boule de neige. C’est parfois très lent, mais ces communautés, dans la mesure où elles deviennent davantage vivantes avec leurs petites chapelles dans lesquelles on anime une chorale Ça attire les gens, des gens qui sont perdus, parce que lorsqu’on est déchristianisé au Vietnam, on n’a pas grand-chose à quoi se rattacher. Ces gens ne se sentent pas du tout bouddhistes, ni attirés par le bouddhisme. Nous attirons des jeunes qui perdent leur idéal, qui perdent leur avenir. Lorsqu’il y a un groupe vivant de jeunes chrétiens, qui finit par attirer les copains, les copines et les amis des amis. Ce n’est bien évidemment pas massif, mais c’est un travail de longue haleine que nous réalisons également auprès des minorités ethniques, qui sont en général à la recherche d’une identité religieuse. Les gens sont curieux de savoir ce que c’est la foi chrétienne dont ils ont entendu parler. Ainsi, nous avons pu construire des communautés qui ont rayonné, qui se sont multipliées et qui continuent à l’étranger aujourd’hui.

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