Inde : la désinformation en ligne utilisée pour attiser la haine à l’égard des minorités religieuses

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En Inde, pays où des centaines de millions de personnes ont un smartphone, le faible coût des données et le manque de culture numérique ont accéléré la prolifération de la désinformation en ligne. Des journalistes d’investigation numérique indiens tentent de lutter contre ce phénomène mais ils rapportent être de plus en plus victimes d’abus en ligne, en particulier lorsqu’ils s’attaquent à des messages qui cherchent à attiser la haine religieuse.

Penchés sur leurs ordinateurs portables dans des bureaux étroits, un groupe de journalistes d’investigation numérique indiens luttent contre la désinformation, bravant abus en ligne et menaces juridiques pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement.

L’Inde possède le plus grand nombre d’organisations d’investigation numérique au monde. Lancée en 2016, BOOM Live est l’une d’entre elles. Ses efforts peuvent paraître dérisoires face à l’avalanche d’intox qui déferle dans de pays de 1,4 milliard d’habitants, où l’intolérance religieuse et la haine en ligne progressent et où la liberté de la presse recule.

« C’est un combat inégal », admet auprès de l’AFP Jency Jacob, rédactrice en chef de BOOM Live, dans son bureau exigu situé dans un complexe industriel désaffecté de Bombay.
Ici, un politicien affirmant que les minorités religieuses sont les plus gros utilisateurs de préservatifs. Là, des rumeurs selon lesquelles la Banque centrale a égaré des millions de dollars en billets. Là encore, des images prétendant montrer qu’un rassemblement politique a attiré moins de monde qu’il ne le prétendait…

La liberté de la presse est également de plus en plus attaquée par le gouvernement du Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi, selon les associations de défense des droits.

La plus grande démocratie du monde a ainsi perdu cette année huit places dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par l’organisation Reporters sans frontières, passant au 150e rang sur 180 pays.

Les journalistes d’investigation numérique ne font pas exception. Ils disent être de plus en plus victimes d’abus en ligne, surtout lorsqu’ils s’attaquent à des messages qui cherchent à attiser la haine religieuse.

Les minorités religieuses, dont les chrétiens, sont en effet régulièrement prises pour cibles dans le pays.

En juillet 2021, l’Union catholique de l’Inde (ACIU) déclarait être particulièrement préoccupée « par la haine et la violence ciblées contre les musulmans des îles Maldives » ainsi que par « la persécution de petites communautés chrétiennes rurales dans plusieurs États ». L’organisation catholique appelait le gouvernement à protéger les minorités religieuses et à mettre fin aux attaques qui les ciblent.

L’Inde est classé 10e dans l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2022 de l’ONG Portes Ouvertes qui indique que depuis 2014, « la persécution contre les chrétiens a considérablement augmenté ».

« Les hindous radicaux au pouvoir considèrent les chrétiens comme étrangers à la nation et font tout pour les faire disparaître du pays. Pour cela, ils n’hésitent pas à recourir à une extrême violence. Les chrétiens d’arrière-plan hindou sont particulièrement pris pour cible et ils subissent de fortes pressions pour revenir à l’hindouisme. Les plus fortes persécutions ont souvent lieu dans les zones rurales », indique l’organisation de défense des chrétiens persécutés sur son site.

Une violence ciblée à l’égard des minorités religieuses qui semble se poursuivre en ligne. Et comme partout ailleurs, les vérificateurs de faits indiens opèrent dans un écosystème où les mensonges sur internet circulent plus vite que la vérité et où les messages colportant des balivernes ont très souvent plus de poids que les vraies nouvelles.

L’Inde compte 17 organisations de fact-checking certifiées par l’IFCN, soit plus que tout autre pays (les Etats-Unis n’en ont que 12). Cela s’avère toutefois insuffisant pour contrer la prolifération virale de la désinformation dans des centaines de langues régionales différentes.

Camille Westphal Perrier (avec AFP)

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