Nigéria : les violences dans la Ceinture centrale relancent le débat sur les persécutions antichrétiennes
Aucours des dernières années, la Ceinture centrale du Nigéria est devenue le théâtre d’une violence persistante et meurtrière. Dans cette région où cohabitent communautés chrétiennes et populations majoritairement musulmanes peules, des attaques menées par des milices armées ont causé la mort de milliers de civils et provoqué le déplacement de millions d’habitants. Certaines organisations de défense des droits humains, comme Christian Solidarity International (CSI), y voient les signes d’un « génocide au ralenti » visant les populations chrétiennes.
La question est revenue au premier plan après les déclarations tonitruantes de l’ancien président américain Donald Trump, qui a dénoncé un « massacre massif » de chrétiens au Nigéria et menacé Abuja d’une intervention militaire américaine si les violences se poursuivaient. Si les propos de l’ancien président, souvent empreints d’exagérations, ont suscité débat, ils ont également remis en lumière une crise sécuritaire longtemps négligée par les médias internationaux.
Une violence régulière et souvent passée sous silence
Selon CSI, les villages chrétiens des États du Plateau, de Kaduna, de Benue et de Taraba sont régulièrement attaqués par des milices peules bien armées. Des témoignages issus de ces zones font état d’assassinats, d’incendies de villages et d’occupations forcées de terres. Les habitants dénoncent également une absence de réaction, voire une complicité passive, de la part de certaines unités des forces de sécurité nigérianes, majoritairement composées de membres de l’ethnie peule.
Dans un incident récent rapporté par CSI, une femme aurait tenté de protéger ses deux jeunes fils en les cachant dans un tonneau d’huile lors d’une attaque. Elle les aurait retrouvés morts quelques heures plus tard. Ces récits, tragiques et répétés, illustrent le climat d’insécurité permanente qui pèse sur les communautés locales.
Un contexte complexe ignoré par la communauté internationale
Alors que Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) font régulièrement la une des médias occidentaux en raison de leurs liens avec les réseaux djihadistes internationaux, les violences dans la Ceinture centrale suscitent beaucoup moins d’attention. Pourtant, selon plusieurs ONG locales et internationales, les milices peules sont responsables, ces dernières années, d’un nombre de victimes supérieur à celui causé par les groupes terroristes du nord-est.
Certains observateurs estiment que l’indifférence internationale s’explique par l’absence de menace directe contre les intérêts occidentaux, ainsi que par une complexité ethno-religieuse qui rend difficile la couverture médiatique du conflit.
Appels à une action internationale concertée
CSI et d’autres organisations appellent les États-Unis et la communauté internationale à demander des comptes au gouvernement nigérian, notamment en enquêtant sur d’éventuels liens entre certaines forces de sécurité et les milices responsables des attaques. Elles réclament également un soutien accru aux communautés locales, afin de leur permettre de se défendre et de mettre en place des dispositifs de protection efficaces.
Si Donald Trump a évoqué la possibilité d’une intervention militaire américaine, des analystes estiment plutôt que la priorité devrait être une coopération diplomatique, sécuritaire et humanitaire étroite entre Abuja, Washington et les partenaires régionaux. Beaucoup craignent qu’une approche purement militaire ne se limite à frapper des groupes djihadistes du nord-est, sans répondre aux causes profondes ni aux dynamiques locales de la violence dans la Ceinture centrale.
Un enjeu humanitaire majeur
Les violences au Nigéria s’inscrivent dans un contexte plus large d’instabilité en Afrique de l’Ouest, où plusieurs pays — du Burkina Faso au Mozambique — subissent également des attaques de groupes armés. Pour CSI, l’attention tardive accordée aux massacres dans le centre du Nigéria reflète une tendance globale : la sous-médiatisation des crises humanitaires africaines.
L’organisation appelle enfin les gouvernements occidentaux à reconnaître publiquement la gravité de la situation et à agir pour éviter une nouvelle escalade.