Affaire Santier, affaire Ricard, mise en examen d’un prêtre pour viol sur adolescent : ébranlés par de nouveaux scandales, les catholiques traversent une grave « crise de confiance » qui risque de provoquer chez certains une baisse de la pratique et de l’engagement, témoignent des fidèles et des sociologues.
« On est accablés par la souffrance », confie à l’AFP Sylvie de Kermadec, 69 ans, catholique pratiquante à la paroisse Saint-François-Xavier à Paris. « Ca me met en colère », se désole Bérénice, 33 ans, pratiquante dans le diocèse de Créteil, là où un ancien évêque, Michel Santier, a été sanctionné par Rome pour « voyeurisme » sur de jeunes adultes.
Au-delà de la stupeur et des mots de compassion pour les victimes, les sentiments sont multiples.
Même « s’il y a beaucoup de bons prêtres et de bons évêques », « on a peut-être eu une confiance trop aveugle dans les responsables de l’Eglise », et « ça a pu encourager certaines dérives », juge Sylvie de Kermadec. Pour autant, si pour elle « il y a une crise de confiance », « ça n’altère pas (sa) foi ni le désir de pratiquer » tous les dimanches.
« On n’est pas au bout de nos surprises et il faut qu’on soit prêt à en entendre d’autres », prévient de son côté Alexis Beaufine-Ducrocq, 35 ans, du diocèse de Nanterre. Lui qui est « pratiquant depuis toujours », « a envie de tenir, car il veut aider à assainir (son) Eglise ». Ce qui explique son engagement dans le collectif de fidèles Agir pour notre Eglise, qui entend maintenir la pression sur l’épiscopat.
Pour Mary de Wailly, 45 ans, les récentes révélations montrent que les recommandations de la commission Sauvé sur l’ampleur de la pédocriminalité dans l’institution, publiées en octobre 2021, « n’ont pas été intégrées » par l’épiscopat.
« Il y a un an, les évêques étaient à genoux (dans un acte de repentance, ndlr), mais depuis, ils ont accumulé les mensonges », juge-t-elle, précisant « avoir pris ses distances avec l’Eglise » et même avec la foi depuis plusieurs années. « On n’a toujours pas de garanties sur la sécurité des enfants », relève cette mère de trois enfants scolarisés dans l’enseignement catholique et engagés dans le scoutisme.
Étienne Bernard, Parisien de 41 ans, catholique qui pratiquait tous les dimanches, a rompu les liens l’année dernière. « Le contraste entre les exigences de l’Église sur la morale privée, son côté ‘donneuse de leçon’, son combat contre les droits des LGBT et le fait qu’elle a longtemps couvert les crimes de ses clercs m’a éloigné de la pratique », explique-t-il. A présent, « je ne crois plus ».
Pas de réforme
« Depuis 2019, il y a une accumulation de révélations qui provoque un très grand accablement », résume Céline Béraud, directrice d’études de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Elle note, avec l’affaire du cardinal Ricard, « une crise de confiance encore plus forte, au sommet ». Le cardinal, ancien archevêque de Bordeaux, qui a avoué des faits « répréhensibles » commis il y a 35 ans sur une adolescente de 14 ans, a en effet été président de la Conférence des évêques de France (CEF).
Cela se traduit par trois types d’attitude, qu’il est encore « trop tôt pour quantifier », relève-t-elle.
D’un côté des catholiques « qui se mobilisent, à travers des collectifs pluralistes, jeunes, très présents sur les réseaux sociaux ». De l’autre « des gens qui font l’autruche ». Et enfin « des gens qui se mettent aux marges et ne veulent plus s’engager ».
« Cela se voit dans le vivier des bénévoles dans les aumôneries », souligne-t-elle. Ainsi que « dans la pratique: deux crises, celle du Covid (qui s’est traduit par le non-retour d’une partie des fidèles à la messe, ndlr) et la crise des scandales sexuels se sont imbriquées et ont pu produire des effets ».
L’Eglise est-elle en train d’aller « vers l’implosion », du nom d’un ouvrage d’entretiens entre les sociologues des religions Jean-Louis Schlegel et Danièle Hervieu-Léger (paru au Seuil en mai) ? « L’implosion veut dire que c’est l’Eglise qui est elle-même responsable de ce qui lui arrive », répond M. Schlegel. « C’est une institution qui n’a pas fait de réforme », affirme-t-il à l’AFP.
Renouer la confiance avec les fidèles sera « long et difficile », a convenu mercredi le président de la CEF Eric de Moulins-Beaufort.
La Rédaction (avec AFP)
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