À Notre-Dame-de-Bétharram, dans le sud-ouest de la France, des violences et agressions sexuelles auraient été commises pendant des décennies. Une enquête préliminaire, ouverte en février 2024, recense 152 plaintes, dont 40 nouvelles récemment déposées, avec 18 concernant des violences sexuelles.
Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes, appelle la congrégation qui dirigeait l’établissement à briser le silence. Une soixantaine de victimes, toutes des hommes, ont déjà été entendues par la justice.
Jean-Marie Delbos, 78 ans, qui dit avoir été abusé par un prêtre aujourd’hui nonagénaire, dénonce une institution marquée par le silence et le laxisme : « C’est une institution de salopards. Point. Et le mot est faible. »
D’autres établissements mis en cause
L’affaire Bétharram semble n’être que la partie émergée de l’iceberg. À Dax, le diocèse a confirmé avoir reçu des signalements dès 2021 concernant le collège « Cendrillon ». Laurent, 68 ans, y avait été scolarisé en 1974 et témoigne de coups et d’humiliations infligés par des prêtres et surveillants. « Extinction des feux. Puis la lumière se rallumait et les sévices tombaient », décrit-il.
Un collectif de victimes a également vu le jour pour dénoncer les violences à Saint-François Xavier à Ustaritz. Gilles, 63 ans, évoque des privations de nourriture et des punitions brutales : « Je devais m’agenouiller sur une règle en bois et apprendre par cœur une leçon. Je ne pouvais plus me relever. »
Cyril Ganne, 51 ans, a déposé plainte pour des violences subies à Bétharram entre 1987 et 1991 et pour un viol à Saint-François Xavier en 1983.
Un problème systémique
Face à ces révélations, Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, reconnaît que l’institution doit faire un état des lieux. Mais pour le collectif « Stop aux souffrances dans l’enseignement catholique », ces affaires illustrent surtout l’omerta qui règne : « Dénoncer, c’est compliqué, et c’est souvent le lanceur d’alerte qui devient le problème. »
Martine (prénom modifié), enseignante en Alsace, témoigne des pressions subies après avoir signalé des abus dans son établissement. Franck Pécot, du syndicat Snep-Unsa, dénonce un manque total de contrôle : « On ne sait pas ce qui se passe dans les internats. La règle, c’est le ‘pas de vague’. »
Une impunité persistante
Dans l’affaire Bétharram, un seul homme, un ex-surveillant général, a été mis en examen pour viol et placé en détention provisoire. Les autres suspects, prêtres ou surveillants laïcs, sont soit décédés, soit protégés par la prescription.
En 2021, une commission indépendante avait révélé que 330.000 mineurs avaient été victimes de violences sexuelles dans l’Église en France depuis 1950. Malgré les 82 préconisations formulées pour lutter contre ces crimes, rien n’a changé.
Les témoignages continuent d’affluer, et la peur se dissipe peu à peu. « Il y aura d’autres Bétharram », avertit Alain Esquerre.