Discours M. Guillaume Kigbafori Soro Président de Générations et Peuples Solidaires

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L’actualité sociopolitique en Côte d’Ivoire a été marquée par l’intervention de Guillaume Soro au cours de la CONFERENCE NATIONALE D’EXPRESSION CITOYENNE, Session du 13 août 2022.
Nous vous proposons à cet effet,ce discours jugé historique eu égard à son caractère conciliateur alors qu’il est toujours en exil forcé.
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Discours M. Guillaume Kigbafori Soro
Président de Générations et Peuples Solidaires
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Mesdames et messieurs les présidents des partis politiques et mouvement de soutien associés à Générations et Peuples Solidaires ;
Mesdames et Messieurs les membres de la Conférence Nationale d’Expression Citoyenne de GPS ;
Chers Militants de GPS ;
Chers Sympathisants de GPS ;

C’est pour moi un agréable plaisir de vous retrouver, ce jour, dans le cadre de cette session ordinaire de la Conférence Nationale d’Expression Citoyenne de Générations et Peuples Solidaires (GPS).

Vous l’aurez constaté, il s’agit bien de la première session après la mise en place de notre mouvement, le 26 juillet 2019. Depuis cette date, notre jeune structure a, de façon permanente, été réprimée de toute part et par tous moyens, pour tenter de la faire taire et l’empêcher ainsi de se déployer sur la scène politique nationale et internationale. Cette situation n’a pas facilité son fonctionnement et ne nous a pas permis de nous réunir, au moins une fois par an, comme le stipule l’article 20 des Statuts de GPS.

Toutefois, et fort heureusement, cette difficulté n’a pas entamé votre détermination et votre engagement qui sont demeurés intacts, tout au long des trois années écoulées ; trois années au cours desquelles nous avons subi les pires atrocités et où la démocratie et les droits de l’homme ont constamment été piétinés par le régime en place.

Mais surtout, trois années de courage et d’abnégation de votre part, qui ont permis à Générations et Peuples Solidaires, envers et contre tout, de gagner progressivement les cœurs des ivoiriens qui ont soif d’une démocratie vraie et qui attendent, encore et toujours, que des solutions véritables soient apportées à leurs souffrances quotidiennes, dans un pays où la paupérisation s’est installée en maître.
Je voudrais ici saluer les uns et les autres pour le travail sur le terrain qui a permis à notre mouvement de se maintenir à flot et de faire face à cette adversité qui lui a très tôt été imposée.

Je voudrais donc avant toute chose saluer la mémoire de nos illustres disparus et martyrs, exprimer ma sympathie à tous ceux qui ont subi la brimade et l’emprisonnement depuis le début de cette lutte, saluer nos amis qui croupissent encore dans les geôles et l’ensemble des prisonniers politiques ivoiriens, saluer l’ensemble du Peuple ivoirien du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest en passant par le Centre, qui n’a eu de cesse de me témoigner par mille et une attentions son attachement fidèle dans l’exil politique que je subis avec plusieurs de mes compagnons depuis bientôt 3 ans pleins.

Mesdames et Messieurs,

Cette Conférence Nationale d’Expression Citoyenne est l’occasion pour notre Mouvement de réaffirmer son ambition pour notre pays la Côte d’Ivoire.

Cependant, je m’en voudrais de traiter de politique ivoirienne sans avoir pris au préalable le pouls de notre planète en convulsions multiples, tant sur les plans écologique, socioéconomique, culturel que politique. Vous le savez peut-être, le monde actuel traverse une crise exceptionnellement grave.

En effet, l’humanité toute entière a commencé à vivre à crédit dans son rapport avec la nature, car selon de nombreuses expertises, les ressources naturelles disponibles sont devenues inférieures aux besoins humains potentiels, de telle sorte qu’on peut dire qu’autant face au réchauffement climatique, au dépérissement de la biodiversité, à la hausse de la pollution planétaire que dans la détérioration des conditions de vie de tous les vivants terriens, l’humanité court de sérieux risques de suicide collectif.

Il nous faudra collectivement stopper la machine infernale, c’est notre plus grand devoir envers les générations futures.

La question écologique est d’autant plus accrue que les plus grandes puissances peuvent encore s’arroger le droit d’imposer leur conception de la différence entre les bons et les mauvais pollueurs de la planète, tout comme la distribution des sanctions liées à chaque forfait écologique.

La dévastation de la Terre, avec la fonte des glaciers polaires et de haute montagne, la pollution des terres par des engrais nocifs, s’accompagne du creusement des inégalités socioéconomiques. La menace de disparition des deux forêts poumons verts de notre planète, l’Amazonie et la Forêt d’Afrique Equatoriale, est un excellent avertissement sur la pente morbide de notre mode de vie contemporain.

Comment s’en étonner ? Sur le plan socioéconomique, la crise du modèle productiviste néolibéral a atteint des sommets plus culminants, avec l’envol de l’économie spéculative par rapport à l’économie réelle. C’est la mondialisation du surendettement des peuples, soumis aux fourches caudines d’organisations financières rompues dans l’art de soumettre peuples et gouvernements par le crédit indéfiniment croissant.

Au mépris des richesses réellement restreintes qu’ils possèdent, de nombreux Etats du monde se sont laissé emporter dans la terrible surenchère de la dette intérieure et de la dette extérieure, de telle sorte que ce sont les pays les plus faibles qui sont forcés de valoriser par le bradage de leurs matières premières stratégiques, la masse monétaire vide créée par les spéculateurs obsédés du capitalisme extrême.

En cascade, le chômage, le dumping social, la concurrence faussée et déloyale entre les multinationales, la pauvreté des travailleurs, le coût de la vie qui sans cesse caracole vers les plus effrayants sommets, nous annoncent un monde où les conflits entre les plus riches et les plus pauvres s’aggravent dangereusement. Les récentes émeutes de la faim ayant conduit les populations srilankaises en colère à chasser leur président de la République incapable de juguler le fléau de la vie chère annoncent des lendemains orageux sous tous les cieux du monde.

En vérité, l’argent ne vaut pas plus que les personnes. Images du créateur, les personnes sont des valeurs absolues. Nous devrons collectivement réapprendre à chérir la chance que nous avons de vivre dans la forme humaine. Une civilisation planétaire dédiée au culte de l’Avoir est vouée par définition à disparaître dans la Matière. Nous devons réveiller l’amour de l’Esprit, de la Justice et de la Vérité dans nos peuples et nos personnes, pour sauver la Terre.

Au plan culturel, la mondialisation capitaliste et ses ravages souvent irréparables engendrent inévitablement la désolation dans la vie des civilisations. Menacées et agressées par les colonisations, de nombreuses langues et cultures disparaissent avec leurs legs de sagesse. Dévalorisées par le mépris des puissants, des savoirs puissants, tant dans les domaines spirituels, techniques, que pratiques, disparaissent dans la nuit des temps, faute de transmission assurée des acquis entre les générations anciennes et nouvelles. La crise de la culture, tant dans l’éducation, les arts, sciences, sports, religions ou écoles initiatiques de toutes les civilisations, est tout simplement vouée à l’uniformisation et à la standardisation d’une industrialisation généralisée qui tourne au marchandage des choses précieuses de l’esprit.

Le respect pour le génie créateur en tous domaines devient une denrée rare. La pensée en mode copier-coller l’emporte de plus en plus sur la pensée réfléchie, instruite, critique et autocritique, qui préside pourtant de tout temps aux grandes évolutions culturelles. L’argent-roi, veau d’or de ce monde, a instauré le règne de la quantité et c’est la doctrine des quatre V (Ventre Villa Virement Voiture) qui semble être désormais le summum de la sagesse. Aveuglée par la volonté de puissance, l’humanité court vers les pires dangers.

Comment s’étonner dès lors que la rivalité des puissances soit le nœud de la politique internationale comme nous le montre la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine depuis le 24 février 2022 et la crise sino-américaine, avec la crispation autour de l’île chinoise de Taiwan ? Tout cela vient nous rappeler la nécessité de respecter le principe de souveraineté de chaque Etat et de considérer le dialogue multilatéral, la négociation, le consensus et le compromis comme les maîtres-mots des relations internationales.

Dès lors que la politique est considérée comme l’art d’acquérir, de conserver et d’accroître sa puissance, la question du droit international semble désormais se réduire à celle du droit prétendu du plus fort.

Mais que peut-il y avoir de plus fort que la paix juste, celle qui découle de l’acceptation sans ruse de la nécessité de vivre ensemble au sein d’institutions nationales et internationales justes et bonnes ? Le monde entier est en effet sommé de choisir entre deux conceptions du politique.

Et l’Afrique doit bâtir son chemin face à ce duel des visions irréconciliables du monde.

D’une part la vision unipolaire, issue des cinq siècles de domination planétaire de l’Occident, notamment du 16ème au 21ème siècle. Selon cette conception, la Communauté Internationale doit être soumise aux normes de l’Occident : monnaie, démocratie, religion, droits de l’Homme, normes industrielles, normes sociétales, normes juridiques, interventions et ingérences militaires, économiques et politiques, etc. sont supposées découler de l’extension du modèle occidental, dirigé par les Etats-Unis et leurs alliés d’Europe Occidentale notamment.

Contre la vision unipolaire du monde, s’est dressée la conception multipolaire du monde, issue des années de résistance anticoloniale, des luttes d’autodétermination des peuples du sud, des luttes des non-alignés pendant la guerre froide, mais aussi des volontés de rupture exprimées contre l’unipolarité de la pensée hégémonique occidentale. Selon la conception multipolaire, le monde doit avoir plusieurs centres interconnectés et mutuellement respectueux, interagissant par voie de dialogue, de compromis, de consensus, de négociation, d’inclusivité et d’arbitrage impartial.

Au fond, l’Afrique n’est-elle pas sommée de choisir entre le modèle unipolaire qui a généré la Traite des Noirs, la Colonisation et la Néocolonisation, d’une part ; et d’autre part le modèle multipolaire non intrusif, pratiquant vraiment le gagnant-gagnant où se glisse une chance pour la souveraineté des peuples africains dans un monde partagé, commun et décomplexé ?
Ma conviction est que pour vivre dans ce monde, les Africaines et les Africains devront se faire respecter, et pour cela se respecter eux-mêmes d’abord, afin que face au monde, ne leur soit plus renvoyée l’image honteuse de la haine de soi-même.

En effet, le Continent africain est aujourd’hui pris dans une double spirale. Une crise mondiale combinée à une crise interne de longue durée.

Sur le versant mondial, l’Afrique est sommée, comme on l’a régulièrement vu à l’ONU, de choisir entre deux conceptions rivales d’un monde de retour dans une nouvelle Guerre Froide.

Le bloc Occidental regroupé au sein de l’OTAN et des Institutions Financières Internationales de Washington et Bretton Woods d’une part, le bloc Oriental regroupé autour de l’Alliance Russo-Chinoise et des BRICS d’autre part, déterminée à créer un nouvel espace d’échanges socioéconomiques, culturels et politiques affranchis de la suprématie tous azimuts du pays du dollar 💲. L’Afrique peut-elle se contenter d’un ni-ni sans risquer d’être écrabouillée par le duel des géants de l’Ouest et de l’Est ? L’Afrique ne court-elle pas vers une nouvelle dépendance si elle s’aligne béatement sur les positions de l’un ou l’autre des blocs ? La vérité africaine est sans doute dans la nécessité d’une participation plus lucide, plus active et plus volontariste de l’Afrique au combat pour la naissance d’un monde commun, multipolaire, partagé et inclusif.

En ce qui nous concerne, l’Afrique, berceau de la civilisation, terre de naissance de l’espèce humaine ne peut, dès lors proposer aux civilisations héritières des quatre autres continents que la voie du dialogue et de la paix. Pour que la vie planétaire universelle soit et pour que la vie humaine en particulier soit, nous devons nous sentir tous redevables les uns envers les autres, solidaires car compagnons et aventuriers du même miracle : la Vie ! Voilà pourquoi la paix est notre plus précieux don et doit être notre inlassable quête, car sans la justice et la vérité parmi les humains, la guerre de tous contre tous nous mènerait droit dans l’abime. Or, héritiers de la Vie, nous devons nous efforcer de la transmettre dans des conditions meilleures que celles dans lesquelles nous l’avons reçue.

Sur le plan interne, l’échec des politiques néolibérales s’est accompagné de l’échec flagrant de l’acclimatation de la démocratie en Afrique.

Dans les années 60, on avait voulu forcer les peuples africains à l’unité nationale dans le cadre des Partis-Etats-Uniques.

Dans les années 90, avec notamment la restauration du multipartisme en Afrique, on a assisté à un double dévoiement de ce mouvement par les replis ethniques mais aussi par les manipulations frauduleuses des institutions électorales, des constitutions et de la représentation politique des peuples africains. L’échec socioéconomique massif du continent africain, son dévoiement culturel, ses tragédies politiques cristallisées autour des crises pré et postélectorales, son errance géopolitique et sa vulnérabilité géostratégique viennent de cette incertitude que l’Afrique a de son image d’elle-même.

Que voulons-nous réellement être, ou mieux, qui voulons nous réellement être, nous Africaines et Africains ? Des clones de l’Occident ou des suiveurs de l’Orient? L’expérience nous a amplement montré que c’est un chemin sans issue, car sans cesse nous fera rechuter le plafond de verre du négrisme raciste, du colonialisme et de l’impérialisme dressés sur le chemin de la quête africaine de reconnaissance.

Voulons-nous plutôt être des copies conformes de nos plus glorieux ancêtres ? Encore une voie sans issue, car ce qu’il y eut de grand à toutes les époques relève d’un acte de création originale, d’un effort d’adaptation réfléchie à l’environnement, et non d’un instinct inné.

Il nous faut donc collectivement et individuellement, nous réapproprier notre passé de façon critique, affronter lucidement notre présent avec des moyens adaptés aux circonstances prépondérantes, mais aussi forger grâce à notre expérience réfléchie, les outils du futur, qui nous permettront de transmettre à nos enfants un monde meilleur que celui que nous aurons reçu de nos parents. Et bien sûr, nous leur transmettrons avec le legs de nos acquis, un devoir de lucidité et de vigilance accrue envers les grands prédateurs de ce monde. Et c’est ainsi que les peuples africains contemporain passeront du principe de plaisir qu’on veut leur imposer au principe de réalité qui permet d’esquisser des pas décisifs et résolus vers la vraie liberté.

Par conséquent, la socioéconomie, la culture, la haute science, la politique et la géopolitique africaines doivent faire l’objet d’une réélaboration prospective, ce que nous avons appelé à partir du lancement du Comité Politique en février 2019 en Côte d’Ivoire, « Faire la Politique Autrement ».

Les énergies de la jeunesse africaine, des femmes, des cadres, génies en tous domaines, doivent être mises en synergies opérationnelles pour dégager l’espace vital africain des saprophytes qui l’assombrissent et accomplir une civilisation continentale de la dignité restaurée dans la Solidarité, la Vérité et la Justice, nos valeurs immémoriales et universelles.

Les migrations sauvages en Afrique du nord, les ravages du terrorisme impérialiste au Sahel, les guerres larvées ou ouvertes comme celle d’Ethiopie ou celle du Congo RDC, les crises politiques chroniques en Afrique francophone notamment avec la confiscation du pouvoir d’Etat par une kyrielle de Présidents à vie couverts par le réseau mafieux des intérêts internationaux, le mépris des arrêts des cours africaines de justice par de nombreux régimes dictatoriaux, la montée en flèche de l’inflation en connexion avec la crise géopolitique mondiale, voilà autant de défis qui nous dictent l’obligation de penser autrement.

La crise économique et financière née des troubles et des menaces entres les grandes puissances conduiront nécessairement à une dépréciation des grandes monnaies que sont le dollars et l’euro auquel le franc CFA est lié par un accord de parité. Dans cette perspective, le dernier trimestre 2022 sera sujet à des convulsions multiples et à une véritable chienlit dans la sous-région ouest-africaine. Il faut s’attendre de plus en plus à des révoltes de la faim comme cela a été le cas au Ghana et en Sierra Léone.

L’Afrique doit revoir ses fondamentaux pour opérer sa renaissance et pour cela assumer les ruptures qui s’imposent pour un avenir meilleur.

L’Union Africaine et l’ensemble des organisations politiques et socioéconomiques continentales, doivent réellement refléter les aspirations profondes des peuples en souffrance et non les intérêts de salons des bourgeoisies compradores enivrées par la luxure et le larbinisme les plus abjects.

La région Ouest-africaine tout particulièrement aura vécu l’effondrement de l’ensemble de ses repères paradigmatiques. La CEDEAO, l’UEMOA, institutions majeures de la région se sont discréditées en tolérant les 3èmes mandats anticonstitutionnels, les viols constitutionnels, les assassinats de populations civiles, la traque des opposants politiques et des figures critiques des sociétés civiles, l’instrumentalisation de la justice contre les opposants selon la stratégie inique du Lawfare, le viol des textes communautaires régissant les sanctions régionales, etc.

Le collapsus de la CEDEAO et de l’UEMOA a eu lieu en deux phases.

Lorsque le protocole et la charte sur les élections n’ont pas été opposés aux despotes au pouvoir en Afrique de l’Ouest qui les ont ostentatoirement et impunément violés.

La deuxième phase a été le « deux poids deux mesures » de la CEDEAO dans la condamnation des coups d’Etat militaires au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, alors que les coups d’Etat civils dans plusieurs pays de la sous-région, à l’instar de la Côte d’Ivoire et en Guinée, étaient tolérés voire applaudis par la CEDEAO, les putschistes civils se faisant même donneurs de leçons contre leurs semblables putschistes militaires.

Mesdames et Messieurs,

On comprend dès lors le tourbillon historique dans lequel se trouve notre pays bien-aimé, la Côte d’Ivoire, dans une Afrique de l’Ouest en ébullition et un continent hautement instable, à l’instar du monde entier lui-même. Et la Côte d’Ivoire dans ce charivari ? Qu’est donc devenu notre pays sous le troisième mandat anticonstitutionnel, à la suite de la sanglante mascarade électorale imposée à notre patrie en 2020 ?

Au plan social la gouvernance actuelle semble renvoyer le capital humain à un rang secondaire.

En effet, les chiffres en milliards de francs CFA annoncés par le gouvernement semblent lointains de la réalité des ivoiriens. A force de les abrutir et leur rabâcher les oreilles avec des milliards, même si un temps l’effet de l’hypnose opérant, le Peuple ivoirien se croit dans un monde paradisiaque, le retour à la réalité n’en est que plus violent quand, assis, la nuit tombée dans sa cour commune d’Abobo, le citoyen lambda ivoirien réalise qu’il n’a pu fournir le seul repas de la journée à sa famille. C’est pourquoi, relativement au discours à la Nation du 6 août dernier, les pompeuses annonces d’augmentation de salaire çà et là ne peuvent plus le tromper. Et en attendant que les économistes de GPS sortent les réalités de l’impact de toutes ces mesures, l’homme politique que je suis ne peut qu’être en alerte. Ne dit-on pas que lorsqu’une hyène vient à offrir généreusement à manger à des moutons n’est-ce pas que dans son arrière-pensée elle ne vise qu’à les dévorer dodus ? Quand un banquier ou un économiste vient à dire à un client qu’il veut l’enrichir au détriment des actionnaires de la banque, il faut bien se poser des questions.

C’est une évidence, le taux élevé de pauvreté et le chômage demeurent une gangrène pour notre pays.

En effet, l’observation de la pyramide des âges en Côte d’Ivoire fait ressortir une base assez large. Cette situation s’explique par le fait que la population ivoirienne est composée d’une frange importante de jeunes. Selon des statistiques un Ivoirien sur deux a moins de vingt ans (20 ans). D’où l’importance de la prise en compte de la problématique de l’emploi des jeunes dans la définition des politiques de développement.

Pour faire face à cette préoccupation le gouvernement ivoirien a plutôt fait le pari de la création d’un Ministère dédié à la question. Mais malgré la présence de ce Ministère au sein de plusieurs gouvernements peut-on penser objectivement que des réponses concrètes ont été apportées à la question, surtout quand on continue d’observer le nombre croissant de jeunes ivoiriens candidats aux « voyages-suicides » de la traversée de la méditerranée vers des horizons meilleurs, notamment le continent européen et américain ?

La réponse à cette question se trouve dans la grève des docteurs au cours de laquelle plus de deux cents jeunes ivoiriens possédant des doctorats toutes disciplines confondues manifestent pour réclamer à l’État un emploi. Cela sonne l’échec de la politique d’emploi du gouvernement dont la trame reste la propagande politique. Parce qu’au-delà des opérations de remise de chèque à une poignée de jeunes triés sur le volet aucune perspective n’est offerte à notre jeunesse. Aussi, pour amorcer une politique réelle de résorption du chômage des jeunes un changement de paradigme s’impose-t-il. Car, dans l’environnement mondial actuel aux multiples défis l’on ne peut continuer de faire de l’État le principal employeur du pays. Il apparait à cet effet impérieux d’adapter le contenu des formations dispensées dans notre système éducatif aux réalités du marché de l’emploi.

Ne faut-il pas évoquer la situation de notre système sanitaire qui continue d’être à la traine ? Le gouvernement ayant opté pour la quantité au détriment de la qualité. Les dépenses de santé inscrites aux différents budgets de l’État privilégient la construction d’infrastructures, faisant peu cas du recrutement et de la formation du personnel soignant. Et là encore ! De ce fait, le ratio personnel soignant rapporté à la population reste très en deçà des standards internationaux. Cette orientation du gouvernement obéit plus à des besoins de communication politique qu’à la satisfaction réelle des besoins des populations. Pour s’en convaincre la quasi-totalité des pontes du régime observe une certaine méfiance à l’égard de notre système sanitaire en s’orientant vers l’extérieur pour les maux même les plus bénins. Qui n’aura remarqué qu’en l’espace de deux ans ce sont trois premiers Ministres qui sont décédés à l’extérieur ou de retour de l’étranger.

Ce tableau peu reluisant de notre système sanitaire est le même qu’offre notre système éducatif.

En effet, notre système éducatif est tellement malmené par des politiques gouvernementales mal pensées que l’on n’hésite plus à se poser la question sur la valeur des diplômes décernés. L’école est devenue le symbole de tout le contraste de la vie sociale en côte d’ivoire. Un système qui n’offre pas les mêmes qualités d’enseignement pour tous, créant ainsi dès la base des inégalités et une discrimination sociales.

Dans certains centres urbains et ruraux les élèves sont soumis au système de double ou triple vacation par faute d’enseignants ou de salles de classes. La conséquence de cette politique de l’école en est que tout parent soucieux du devenir de sa progénitures s’échine à rassembler les moyens financiers afin de leur offrir une formation adéquate à l’étranger. Quant à la classe sociale défavorisée, la plus nombreuse de la population ivoirienne, elle subit faute de solutions alternatives. De toute évidence, une telle politique de formation ne garantit pas à notre pays le capital humain à même de lui offrir les chances d’affronter les défis d’un monde de plus en plus concurrentiel.

Au plan économique, certains choix de politique budgétaire nous incitent à la méfiance voire suscitent en nous de l’inquiétude.

Il s’agit de la politique d’endettement menée par les autorités de notre pays, surtout leur recours systématique à ce mode de financement de notre développement. Faisant ainsi craindre une crise de l’endettement dans les années à venir.

Il faut rappeler que la cote d’ivoire a bénéficié de l’initiative PPTE en 2010 avec un stock de dette de l’ordre de 6.396 milliards de francs. Dix ans après l’allègement d’une bonne partie des dettes anciennes le stock actuel de la dette de la Côte d’Ivoire à fin septembre 2021, culmine à environ 20 000 milliards F CFA. Les assurances données par le gouvernement sur la capacité d’endettement du pays sont à prendre avec modération. En effet, l’indicateur de l’UEMOA en la matière est certes respecté. Mais il n’en demeure pas moins vrai que la dette ivoirienne en valeur absolue peut constituer un boulet pour notre économie dans les années à venir.

Pour échapper à cette spirale de l’endettement il serait plus indiqué que le gouvernement élabore des budgets sincères plus proches de notre capacité de mobilisation des ressources internes. Cette approche offre l’avantage de ne pas trop exposer le pays aux chocs exogènes mais surtout de permettre à l’État de tenir ses engagements financiers. Car il n’est pas nécessaire de voter un budget dont l’exécution relève d’alchimie, notamment avec les gels budgétaires opérés sur les crédits de fonctionnement de plusieurs structures administratives en milieu d’année.

En outre, cette orientation budgétaire suggérée aura pour avantage de réduire considérablement le stock d’impayés et autres passifs dus aux opérateurs économiques.

Au plan politique il n’est pas utile de revenir sur les conséquences du passage en force opéré pour imposer un troisième mandat aux ivoiriens contre la Loi Fondamentale.

Cependant, force est de constater que les optimistes qui se berçaient de l’espoir d’un règlement définitif par le biais de la réconciliation des contentieux politiques qui ne cessent de rythmer la vie socio-politique du pays depuis deux décennies, semblent de plus en plus déchanter.

En effet, annoncé en grande pompe au lendemain de la pseudo-élection de 2020, ledit processus de réconciliation semble connaitre un coup d’arrêt en raison du peu d’appétence de son initiateur pour le jeu démocratique. D’où le manque de volonté politique nécessaire pour enclencher et accélérer le processus sans calcul politicien. Par ses agissements le régime actuel a fini de convaincre qu’il lui appartient, de façon unilatérale, de se choisir les fils et filles de la Côte d’Ivoire avec qui il entend se réconcilier au mépris des intérêts et de l’avenir du pays. Car si la volonté politique de faire une vraie réconciliation en Côte d’Ivoire existait, cela se saurait. On aurait pas besoin de distribuer et au compte-goutte quelques décrets de grâce par-ci, quelques libérations par-là.

Ne nous trompons guère.

Lorsque feu le Président Félix Houphouët-Boigny père de l’indépendance, au lendemain des crises qui ont secoué successivement notre pays jusqu’en 1992, a voulu faire la réconciliation, il a recouru à l’amnistie.

Pour mémoire, quand l’Algérie a sombré dans le terrorisme et quand le Président Bouteflika a voulu donné un coup d’arrêt à ce fléau dans son pays, dans les années 97-98, il a recouru à l’amnistie.

En Afrique du Sud, Nelson Mandela une fois sorti de prison, pour relancer son grand pays, a recouru à l’amnistie et non au chantage.

Dans tous ces cas cités, et les heureux initiateurs et les heureux bénéficiaires ont ainsi compris la nécessité de redonner à leurs pays des perspectives d’un lendemain meilleur.

Mesdames et Messieurs les membres de la Conférence Nationale d’Expression Citoyenne de GPS ;
Chers Militants de GPS ;
Chers Sympathisants de GPS ;

Malgré cet horizon national maintenu dans les brumes crépusculaires à dessein, vous continuez de faire preuve de loyauté car vous avez foi en l’avenir.

Cette foi en l’avenir, vous avez raison, ne saurait aucunement être perturbée par toutes sortes de manœuvres obscures abondamment servies dans le seul but de briser votre moral.

Face à tout cela, je voudrais exhorter chacune et chacun au calme et à l’apaisement mais surtout à la sérénité. Nous devons totalement sortir de la belligérance dans laquelle on veut nous entrainer et nous maintenir afin de trouver le malicieux argument qui justifierait toutes les injustices et les atrocités qu’ils font subir à GPS et à ses adhérents. Nous devons résolument nous inscrire dans le débat constructif, celui qui doit nous permettre de susciter davantage de sympathie dans le cœur de nos compatriotes qui, de plus en plus, sont certains que leur bonheur ne réside que dans la gouvernance de GPS.

Je vous encourage à poursuivre le travail d’occupation du terrain et même à l’intensifier. Notre mouvement sera celui qui apportera tous les espoirs au Peuple de Côte d’Ivoire, celui qui fera de notre pays, un havre d’harmonie social. C’est cette vision d’une société bâtie sur la recherche du bien-être du citoyen qui a fortement milité en faveur de sa création. Novatrice et porteuse d’espoir, l’offre politique du GPS est le condensé de l’état d’esprit et des préoccupations des populations ivoiriennes.

La tâche reste encore immense. Mais il ne fait l’ombre d’aucun doute que nous y parviendrons car nous avons l’onction du peuple pour la réussir, nous avons les hommes engagés et déterminés qu’il faut pour la mener, nous avons la confiance et le soutien de nos compatriotes. Il ne nous reste plus qu’à nous mettre à la tâche. Et je sais pouvoir compter sur chacun de vous.

Comme vous le savez, certains commentateurs au verbe facile, exégètes autoproclamés, n’hésitent pas à parler de « miracle ivoirien». Ce disant, l’on voudrait faire croire que la prospérité advient comme un cadeau du ciel, un don des dieux à des mortels. Non. La prospérité est le fruit de la détermination et du sacrifice des hommes. La prospérité est un leurre si elle n’est assise sur un socle de justice sociale. Un miracle, aussi brillant soit-il, est généralement sans lendemain et laisse toujours un goût amer lorsque la magie finit d’opérer. Nous, loin des chimères et des mirages, nous voulons BATIR ENSEMBLE LA PATRIE DES POSSIBLES, issue de la volonté et de la détermination des hommes et des femmes qui habitent cette terre, une patrie construite sur des valeurs et non sur la valeur, car seules les valeurs ont de la valeur.

La patrie des possibles, c’est la patrie où les individus disposent des mêmes chances, des mêmes opportunités de développement social, indépendamment de leur origine sociale, ethnique, régionale, de leur sexe, de leur foi religieuse, des moyens financiers de leurs parents, d’un éventuel handicap ou de leur affiliation politique …

La patrie des possibles, c’est la patrie qui fait en sorte que votre place dans l’ascenseur social ne soit pas prédéterminée par les conditions financières et sociales des générations qui vous ont précédé et qui, par une forme de déterminisme social, vous condamne à la pauvreté à perpétuité ou à l’abondance éternelle.

Sommes-nous encore fils et filles de la même patrie quand, d’avance, nous savons, que nous ne sommes pas égaux devant :
• l’accès à l’emploi,
• l’accès à la formation supérieure et aux grandes écoles
• l’accès au recrutement et aux entretiens d’embauche…
• l’accès aux marchés publics ?

Sommes-nous encore dans la même patrie quand nous savons que notre réussite scolaire et notre avenir professionnel ne dépendent ni de notre intelligence, ni de notre courage, ni de notre ardeur au travail, ni de notre motivation mais d’abord et surtout du milieu d’où l’on vient, de la famille dont on est issue, des milieux que fréquentent nos familles, de la position qu’occupent nos parents dans les cercles du pouvoir ?

Un enfant issu de Bocabo peut-il raisonnablement rêver d’avoir le même destin qu’un enfant de la Riviera Beverly Hills, quand lui le fils du pauvre est d’autorité orienté vers un BTS à portée limitée tandis que le fils du riche bénéficie d’une bourse ou une prise en charge présidentielle pour étudier dans les meilleures universités d’Europe et d’Amérique du Nord et côtoyer ainsi les élites occidentales ?

Peut-on expliquer à cet enfant qu’il n’est pas prisonnier de son milieu social, de son quartier, de ses origines ? Qu’il n’est pas victime d’une sombre malédiction qui veut que fils de pauvre il est, fils de pauvre il restera toute sa vie ?

Pourquoi ceux qui, fils de paysans sans ressources ou de modestes ouvriers, ont bénéficié de bourses de la République pour aller se former à l’étranger, une fois parvenus au pouvoir, privent les autres fils de pauvres de cette chance dont ils ont bénéficié, eux ?

Nous le savons depuis longtemps : les Ivoiriens ne sont pas égaux devant le travail. Les Ivoiriens ne sont pas égaux devant l’accès aux soins médicaux. Les Ivoiriens ne sont pas égaux devant l’Éducation.

L’ascenseur social est en panne et ceux qui prennent l’escalier passent par l’escalier de service, c’est-à-dire l’escalier du militantisme servile et laudatif au sein du parti au pouvoir.

L’escalier de la compromission morale et de la perte de dignité qui touchent dans leur chairs nos jeunes filles et nos jeunes garçons, l’escalier qui veut que pour avoir accès à un marché public il faut d’avance concéder 30% de vos gains à celui qui l’octroie.

Nous voulons que chaque fils et filles de ce pays ait la chance de pouvoir donner vie ses ambitions, de faire valoir ses compétences. C’est cela LA PATRIE DES POSSIBLES. Partir du bas et accéder au sommet par son seul talent. A la loi du plus fort, nous proposons « la loi du meilleur ».

Le pari de GPS, c’est de mettre en place un État exemplaire, solidaire, juste et équitable. Un État social, démocratique, transparent, qui allie justice sociale et contrôle de la finance, qui promeut la technologie sans renier ses valeurs traditionnels. Un État qui sera exemplaire dans la lutte contre les discriminations, dans la promotion de la diversité, en matière de transparence de la vie publique.

Un État ou l’accès à la fonction publique se fera sur le mérite et pour laquelle se fera un concours unique dont le résultat déterminera notre contribution au développement de la Nation.

Une Nation où l’État accorde des bourses et des logements aux élèves et aux étudiants les plus méritants, en ayant pour tout critère non seulement l’excellence des résultats mais aussi et surtout en étant guidé par le souci d’ouvrir à une plus grande diversité et à une plus grande mixité, le savoir.

Les nominations de hauts fonctionnaires devront se faire selon la compétence et le talent, reconnus par un comité indépendant qui édictera des procédures strictes, afin que prenne fin le népotisme et que les fils de pauvre puissent eux aussi, enfin, accéder aux emplois supérieurs sans être pistonnés.

L’accès aux grands marchés publics de l’État ne devra plus être l’affaire d’une petite poignée d’hommes, les mêmes, qui sont à la fois et cumulativement, hommes d’affaires, hommes politiques, dirigeants d’institution et souvent membres de la même famille.

BATIR ENSEMBLE LA PATRIE DES POSSIBLES, voilà la quintessence de notre engagement et la raison d’être des privations et des persécutions que nous subissons et que nous assumons avec courage et dignité. Car comme le disait Henri Ford : “ Lorsque tout semble aller contre vous, Souvenez -vous que les avions décollent toujours face au vent ! ”

C’est sur cette pensée que je veux conclure mon propos tout en vous remerciant de votre aimable attention.

Guillaume Kigbafori SORO
Président de Générations et Peuples Solidaires (GPS)

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